Lors du sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai en 2025, russe et chinois ont franchi une étape de plus dans le projet du gazoduc Force de Sibérie 2.
Contexte et portée du projet Force de Sibérie 2
Le projet Force de Sibérie 2 (Power of Siberia 2) est l’un des plus ambitieux jamais envisagés entre la Russie et la Chine. Pensé comme une artère énergétique majeure, il vise à transporter 50 milliards de m³ de gaz par an depuis les gisements de l’ouest de la Sibérie jusqu’à la région autonome du Xinjiang, en Chine, en traversant la Mongolie. Sa longueur totale est estimée à environ 6 700 km, dont 2 400 km en territoire russe.
Ce gazoduc vient compléter le réseau Force de Sibérie 1, déjà en service, qui approvisionne la Chine à hauteur de 38 milliards de m³ par an, avec un objectif de montée en puissance à 44 milliards. À cela s’ajoutent les flux via l’Extrême-Orient russe (Sakhaline), dont la capacité a été portée à 12 milliards de m³/an. Ensemble, ces infrastructures pourraient permettre à la Russie d’exporter plus de 100 milliards de m³ de gaz par an vers la Chine d’ici à 2030.
Organisation de Coopération de Shanghai 2025 : état des lieux
Lors de la visite de Vladimir Poutine à Pékin en septembre 2025, un memorandum juridiquement contraignant a été formalisé entre Gazprom et CNPC (China National Petroleum Corporation). Cet accord scelle la volonté des deux pays de construire Force de Sibérie 2 et sa branche mongole, appelée Soyuz Vostok. Selon le président directeur général de Gazprom Alexeï Miller, le memorandum a été signé le 2 septembre 2025 en présence de toutes les parties.

Outre Force de Sibérie 2, la Russie a déjà augmenté ses volumes via Force de Sibérie 1 et l’Extrême-Orient. Les premières livraisons de gaz issues du nouveau pipeline sont prévues d’ici à 2030. Les deux parties se sont entendues sur un mode de tarification basé sur les prix de marché, offrant à Pékin un tarif plus avantageux que celui payé par les clients européens avant la guerre en Ukraine.
Cet accord, bien que majeur, ne fixe pas encore tous les détails financiers et techniques définitifs. Les discussions portent toujours sur le partage des coûts, les conditions de financement et les engagements précis de livraison.
Enjeux géopolitiques et économiques
Depuis 2022, Moscou a vu ses exportations de gaz vers l’Europe s’effondrer à cause des sanctions et de la guerre en Ukraine. Force de Sibérie 2 offre une alternative pour écouler ses volumes, notamment depuis les gisements de Yamal, initialement destinés au marché européen.
Force de Sibérie 2 pourrait générer jusqu’à 12 milliards de dollars par an, dont près de 5 milliards en taxes et droits pour l’État russe. Ces chiffres restent toutefois modestes comparés aux revenus perdus en Europe (jusqu’à 20 milliards annuels).
En se tournant massivement vers la Chine, la Russie risque d’accroître sa vulnérabilité face aux conditions imposées par Pékin.
Pékin, en revanche, diversifie ses approvisionnements pour réduire sa dépendance au GNL importé des États-Unis, du Qatar ou d’Australie. Un gazoduc offre une garantie de continuité et de stabilité. Les prix négociés sont plus bas que ceux du marché européen, ce qui permet à la Chine de renforcer sa compétitivité industrielle. Avec ses multiples alternatives énergétiques, la Chine peut dicter ses conditions, en ralentissant les discussions ou en exerçant une pression sur les tarifs.
Le développement de Force de Sibérie 2 pourrait réduire ses achats de GNL, impactant directement les exportateurs américains et qataris.
Risques et contraintes
Alors que la Russie dépend de plus en plus de la Chine pour compenser la perte de son marché européen, Pékin profite d’une position dominante dans la relation bilatérale, surtout que le marché intérieur russe est déjà inondé de produits chinois (véhicules, électronique, produits de grande consommation, etc.).
Le financement du projet Force de Sibérie 2 reste flou. La question de savoir si la Chine participera massivement ou laissera la Russie supporter l’essentiel des coûts demeure ouverte.
Le passage par la Mongolie, s’il garantit une route plus directe, expose le projet à des aléas géopolitiques et aux conditions imposées par Oulan-Bator, qui y voit un moyen de renforcer son influence régionale.
Conclusion
Le gazoduc Force de Sibérie 2 est bien plus qu’un simple projet énergétique. Il représente un pivot stratégique pour la Russie, contrainte de réorienter son économie vers l’Asie, et une opportunité géopolitique pour la Chine, qui obtient un accès privilégié à une ressource abondante et bon marché. Mais derrière les apparences d’un partenariat équilibré, l’initiative révèle une asymétrie croissante : la Russie s’attache à un seul client majeur, tandis que la Chine renforce son rôle de puissance dominante dans le jeu énergétique mondial.
La Russie est très dépendante de ses exportations de gaz et de pétrole malgré ses atouts dans le secteur du nucléaire.