Le plan choc pour Gaza de Donald Trump : une recomposition du Moyen-Orient sous couvert de paix

GeoPolitico
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Le plan pour Gaza de Donald Trump largement accepté et salué à internationalement, entre dans ses premières phases.

Le plan en 21 points de Donald Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien ne se limite pas à un projet de paix. C’est un plan de réorganisation complète du Moyen-Orient, qui mêle géopolitique, économie, religion, sécurité et… business. Sous des airs de médiation, c’est une redéfinition de l’équilibre régional que tente le président américain, au profit d’un axe Washington — Riyad — Doha — Abu Dhabi.

Un plan inattendu, une humiliation pour Netanyahou

Lors de la conférence de presse à la Maison-Blanche, les visages disaient tout. Donald Trump, triomphant, présentait son plan de paix ; Benjamin Netanyahou, habituellement conquérant, apparaissait défait, presque abattu. Le Premier ministre israélien venait d’être contraint par Washington à un revirement stratégique : accepter un accord dans lequel Israël ne toucherait plus à Gaza, renoncer à la mainmise sur le territoire et, surtout, renouer avec le Qatar, son ancien allié devenu cible.

« Vous allez téléphoner à l’émir du Qatar pour vous excuser d’avoir bombardé Doha », aurait lancé Trump à Netanyahou, selon une source diplomatique citée dans une analyse d’Alain Juillet. L’humiliation est d’autant plus cinglante que c’est Netanyahou lui-même qui, pendant quinze ans, avait toléré que le Qatar finance le Hamas, croyant y trouver un outil pour diviser les Palestiniens et affaiblir le Fatah. Mais l’argent qatari servait aussi à creuser des tunnels et à structurer l’aile militaire du mouvement.

Le Hamas dehors, Gaza sous tutelle internationale

Le cœur du plan repose sur une idée simple : retirer le Hamas de Gaza, sans anéantir son personnel politique. Washington propose d’exfiltrer ses dirigeants, à la manière de Yasser Arafat en 1982, exfiltré de Beyrouth par l’armée française. En échange, les otages israéliens seraient rendus, et Israël s’engagerait à libérer près de 1 700 prisonniers palestiniens, dont 200 condamnés à perpétuité. Parmi eux, un nom revient avec insistance : Marwan Barghouti, souvent présenté comme le « Mandela palestinien », figure charismatique susceptible de fédérer les différentes factions.

Trump ne veut pas d’un retour du Fatah corrompu ni du statu quo avec l’Autorité palestinienne. Il plaide pour une « administration palestinienne nouvelle », composée de représentants de la société civile, encadrée par une autorité internationale dirigée par Tony Blair. L’ancien Premier ministre britannique, artisan de plusieurs missions diplomatiques depuis sa sortie de Downing Street, serait chargé de piloter la transition.

Des troupes arabes pour sécuriser Gaza

Autre innovation majeure : la création d’une force de sécurité composée exclusivement de pays arabes. Ni Casques bleus ni OTAN. Les troupes proviendraient d’un contingent mixte réunissant les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Indonésie et le Pakistan, ce dernier étant le seul pays musulman doté officiellement de l’arme nucléaire.

L’idée est double : garantir la sécurité des frontières de Gaza, tout en empêchant Tsahal d’y intervenir militairement à sa guise. Israël perdrait ainsi son contrôle maritime et ne pourrait plus bloquer la reconstruction du port, des infrastructures énergétiques ou de dessalement d’eau. En retour, les pays arabes obtiennent une influence directe sur le littoral méditerranéen, où d’importantes réserves de gaz offshore attendent d’être exploitées.

La “Riviera de Gaza” : un rêve à 600 milliards de dollars

Le plan américain n’est pas qu’un projet diplomatique. C’est un business plan. Depuis plusieurs années, les monarchies du Golfe, Arabie saoudite, Qatar et Émirats, promettent d’injecter plus de 600 milliards de dollars dans l’économie régionale. Une partie de ces fonds sera consacrée à la reconstruction de Gaza, que les conseillers de Trump rêvent déjà de transformer en une « Riviera du Moyen-Orient », sur le modèle de Dubaï.

Gaza riviera – Source : Great Trust

Ce projet, soutenu par Riyad et Abou Dhabi, vise à créer un pôle économique régional intégré : infrastructures, tourisme, zones franches et corridors énergétiques. Derrière le discours humanitaire, c’est une reconfiguration du commerce méditerranéen qui s’esquisse, dans laquelle Gaza deviendrait un hub logistique stratégique entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe.

Les accords d’Abraham version 2.0

Le plan Trump s’inscrit dans la continuité des Accords d’Abraham de 2020, qui avaient normalisé les relations entre Israël et plusieurs États arabes. Sauf que cette fois, l’ancien président va plus loin : il propose d’y intégrer l’Arabie saoudite, l’Indonésie et le Pakistan. Une coalition musulmane sunnite, soutenue par Washington, qui redessine le paysage diplomatique du Moyen-Orient.

Mohammed ben Salmane (MBS), prince héritier saoudien, avait déjà annoncé qu’il reconnaîtrait Israël à la condition que « les Palestiniens recouvrent Jérusalem-Est ». Le plan Trump reprend cette logique : un partage symbolique de la ville, garantissant l’accès des fidèles musulmans à la mosquée Al-Aqsa, haut lieu sacré de l’islam.

Cette ouverture permettrait à MBS de justifier, devant son opinion publique, la normalisation totale avec Israël — et d’asseoir son rôle de chef du monde sunnite face à l’Iran chiite.

Le Pakistan nucléaire entre dans le jeu

La participation du Pakistan change la donne stratégique. En intégrant un État musulman doté de l’arme nucléaire, Trump envoie un message implicite : désormais, le monde arabe peut s’appuyer sur sa propre dissuasion régionale face à Israël. Un équilibre de la peur en miroir, qui repositionne Islamabad comme garant militaire symbolique du nouvel ordre régional.

Dans les coulisses, des accords bilatéraux de défense seraient déjà discutés entre le Pakistan et l’Arabie saoudite, ouvrant la voie à un partage de technologie nucléaire défensive. Une perspective que les États-Unis ne condamnent plus ouvertement — signe que la priorité de Washington n’est plus la non-prolifération, mais la stabilisation économique et politique du Moyen-Orient.

La marginalisation européenne

Pour la France, le constat est amer. Alors qu’Emmanuel Macron annonçait solennellement la reconnaissance de l’État de Palestine à l’ONU, les États-Unis publiaient, le lendemain, leur plan de paix. La diplomatie française, qui espérait s’imposer comme médiatrice grâce à une initiative conjointe avec l’Arabie saoudite, s’est retrouvée contournée.

« On est marginalisés », reconnaissent plusieurs diplomates européens. Les capitales du Golfe jouent désormais sur plusieurs tableaux : Riyad signe avec Paris, mais exécute avec Washington. Dans le jeu d’échecs moyen-oriental, l’Europe n’est plus qu’un spectateur.

Vers une recomposition silencieuse

Derrière la façade d’un plan de paix, le projet Trump marque la fin d’un cycle : celui d’un Israël tout-puissant, soutenu sans condition par Washington. Les temps ont changé. Les États-Unis veulent désormais déléguer la gestion du Moyen-Orient à leurs alliés régionaux, tout en gardant la main sur les ressources énergétiques et les circuits financiers.

Le Hamas a signer l’accord, la population de Gaza, épuisée par des années de blocus et de bombardements, et semble prête à accepter n’importe quelle solution garantissant la paix et la reconstruction. « Les gens veulent simplement vivre », confie un diplomate égyptien.

Le plan de Trump, pour contestable qu’il soit, pourrait bien être le premier projet réaliste depuis Oslo : un équilibre imparfait, mais viable, fondé non sur la morale, mais sur les rapports de force.

Analyse : du cynisme à la stabilité

Sous le vernis de la “solution de paix”, Donald Trump et ses partenaires du Golfe réintroduisent la logique la plus ancienne du Moyen-Orient : celle du troc entre influence, sécurité et profit. Gaza reconstruite comme Dubaï, Tony Blair comme gouverneur civil, et une paix garantie par les pétrodollars.

Ce n’est peut-être pas la justice, mais c’est, pour la première fois depuis longtemps, un plan où chaque acteur, Américains, Arabes et Israéliens aurait plus à perdre en reprenant la guerre qu’en la laissant mourir.

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